samedi 26 mai 2012

Encuentro por el tiempo (IV)


Era impresionante cuanto no había cambiado él. Físicamente. Cuanto no se había alterado ni ensombrecido con el paso de los años. Cuanto era igual de encantador y solar. Divertido y amable. Y a la vez, se notaba algo diferente dentro de la presencia. Mucho más efectiva. Comprometida. Se notaba enseguida que ya no era aquella nube. Que tenía aspiraciones, certidumbres construidas por la investigación. Se notaba que le había pasado vida. Y que le había hecho bien. Que eso le había dado peso. Que ya era hora de dejar de echarse a la nada. Y como ella tampoco quería más echarse a la nada, algo ya cuajaba. 

Parecía que había venido a casa de ella - y no tanto a lo de su prima. A visitar su casa. A quedarse ahí. Ella no entendía muy bien de qué se trataba. Por eso dejaba que se hiciera eso mismo que no sabía muy bien ni qué era, ni por qué, ni nada. Dijo él que la casa al revés, la suya, de colores, era muy suya. Ella no sabía que él tuviera algún concepto de ella. Le gustó. Siempre había pensado que él no la había visto para nada. Que sólo ella había estado mirándole. Hasta - igual que siempre - perder la imagen propia. La suya, la de ella. Así que la casa era muy suya. Mirá vos. 

Abrieron vino. A ella le pareció que era muy temprano para vino. ¿Para borrar las cosas, o compartir más rápido? De esto se trataba. Ya sabía. Y le daba miedo. Inclusive si no sabía muy bien por qué. A volver a enamorarse, claro. En fin. Se dejó llevar. Tampoco tenía tanta costumbre a sentirse espectadora de las cosas. Y menos en su misma casa. Ella que había atravesado sola la guerra. No estaba acostumbrada a que fuera otro quien propusiera alternativa, y menos al aburrimiento. Y menos después de aquellos meses de convivencia con la enfermedad de la normalidad socio-identitaria - normopatía. 

Después de contarse mutuamente lo esencial de este siglo sin contacto, después de haberle enseñado ella el niño muerto, le quiso hacer él la lectura. Le quería leer su libro naciendo. Se lo leyó. El a ella. Igual si no paraba de interrumpirle ella. Porque le gustaba en aquel momento ser quien le molestara algo a él. Porque le gustaba ya no sólo escuchar, sino mezclar algo suyo con la historia de él. Luego quiso también él que escuchara su música. Y ella, como que tampoco tenía tantas ganas de volver a meterse adentro de lo suyo, a que le volviera a gustar. De volver a meterse adentro de aquella memoria. Ya había sabido de sobra que le gustaba. Y total ¿para qué? ¿Para sentirse aun más amputada? Sabía que ya no era lo suficientemente fuerte para soportar alguna que otra amputación. Ni propia ni ajena. Por eso no quería que le gustara tanto su música. No tan así. 

Se besaron en medio de vino. Para eso es el vino. Para besarse las burbujas sin protección de piel. Ella lo sabía muy bien. Igual tenía ganas. Sentía que sí, que las almas tenían ganas de besarse. Mas ¿los cuerpos? De esto no estaba muy segura. Tenía miedo a que no. Por la memoria de lo ya ocurrido con él. Y por la experiencia propia también. El saber que a veces pasa esto: que igual que ocurre que se aman los cuerpos y las almas no se pueden llevar, ocurre que se conmueven las almas sin que los cuerpos amen tocarse. A eso le tenía miedo. Mas también sabía que al cuerpo humano lo hace también lo imaginario. Por bailarina lo sabía. Por la propia historia lo sabía. Por eso no podía no mantener la esperanza. «Una no nace mujer.»  

El cuerpo sujetivo es una conquista del sujeto movido por el deseo. Y no sabía ella si en este nuevo momento tenía con él este deseo. Sentía la muralla alrededor suyo. Por más que hiciera como si se entregara. Mas no como traba. Como necesidad. Nunca más entregarse del todo. A cuerpo perdido. A un desconocido. Nunca más. Un lujo que ya no podía permitirse. Reservas agotadas. Yo soy lo único que tenga. No te lo puedo ni te lo quiero dar. Así. Ya no. Ni a él ni a nadie. Y no era que fuera alterada la generosidad. Sólo que se había conocido la guerra, el embargo, la reclusión. Sólo que se había convivido demasiado sola con la muerte, y que se sabía que aun no se había recuperado del todo. Sólo que ya no se sentía en la emergencia de tener esperanza vana. Si me das, dale. Sino, no estoy 

Durmieron. No durmió nada ella. Sentía demasiada irrealidad. No conseguía hacer la conexión con la realidad - él, acá, deseándola - y el propio sentir, el deseo propio. Estaba desconectada. Del todo. Insomne. Esto duró cuatro noches. Sin que se diera cuenta de la cantidad de tiempo que pasaba. Sólo de lo a gusto que estaba, de lo feliz que se ponía. Entre mucha risa, mucha complicidad, mucha desconexión interna. Y volvió a su ciudad él. Y se fue a Madrid ella.






Rencontre à travers le temps (IV)
 

C’était incroyable combien il n’avait pas changé. Physiquement. Combien il ne s’était pas altéré ni assombri avec le passage des années. Combien il était toujours autant charmant et solaire. Drôle et adorable. Et en même temps, il y avait quelque chose de très différent dans la présence. Beaucoup plus effective. Engagée. On voyait tout de suite qu’il n’était plus ce nuage d’avant. Qu’il avait des aspirations, des certitudes construites par le questionnement. On voyait que la vie lui était passée dessus. Et que ça lui avait fait du bien. Que ça lui avait donné du poids. Que l’heure n’était plus à se jeter au vent. Et comme elle ne voulait plus non plus se jeter au vent, il y avait déjà quelque chose qui collait.  

On aurait dit qu’il était venu chez elle - plus que chez sa cousine. Pour voir comment c’était. Pour y rester. Elle, elle ne comprenait pas très bien de quoi il s’agissait. C’est pour ça qu’elle laissait se faire cela même dont elle ne savait pas très bien ce que c’était, ni pourquoi, ni rien du tout. Il a dit que cette maison à l’envers, la sienne, toute en couleurs, était bien elle. Elle, elle ne savait pas qu’il ait eu un quelconque concept d’elle. Ca lui a plu. Elle avait toujours pensé qu’il ne l’avait absolument pas vue. Qu’il n’y avait qu’elle qui avait pris le temps de le regarder. Jusqu’à - comme toujours - en perdre sa propre image. La sienne, à elle. Alors comme ça, la maison était bien elle. Allons donc. 

Ils ont ouvert du vin. Il lui semblait à elle que c’était un peu tôt pour le vin. Pour diluer les choses, ou partager plus vite ? C’était ça la question. Elle le savait bien. Elle avait un petit peu peur. Même si elle ne savait pas bien de quoi. De retomber amoureuse, bien sûr. Enfin. Elle s’est laissé faire. Elle n’avait pas tant que ça l’habitude d’être spectatrice des choses. Encore moins chez elle. Elle qui avait traversé la guerre toute seule. Elle n’avait pas l’habitude que ce soit un autre qui propose d’alternative. Encore moins à l’ennui. Et encore moins après ces mois de cohabitation avec la maladie de la normalité socio-identitaire - normopathie. 

Après s’être mutuellement raconté l’essentiel de ce siècle sans contact, après qu’elle lui a montré l’enfant mort, il a voulu lui faire la lecture. Il voulait lui lire son livre advenant. Il le lui a lu. Lui à elle. Et pourtant elle n’avait pas cessé de l’interrompre. Ca lui plaisait à ce moment-là de l’embêter un peu. De ne plus faire qu’écouter, mais de mêler ses choses à elle à son histoire à lui. Après, il a encore voulu lui faire écouter sa musique. Et elle, c’était comme si elle n’avait pas complètement envie de se replonger dans ses choses. Que ça lui plaise à nouveau. De se remettre dans cette mémoire-là. Elle savait déjà que ça lui avait trop plu. Et à quoi ça avait servi ? A se sentir amputée encore un peu plus ? Elle savait qu’elle n’était plus suffisamment forte pour supporter une quelconque nouvelle amputation. Ni d’elle-même ni d’un autre. C’est pour ça qu’elle n’avait pas trop envie que sa musique lui plaise. Pas juste comme ça. 

Ils se sont embrassés dans le vin. C’est à ça que sert le vin. A ce que puissent s’embrasser les bulles sans protection de peau. Elle le savait bien. De toute façon elle en avait envie. Elle sentait que oui, que les âmes avaient envie de s’embrasser. Mais les corps ? Elle n’en était pas très sûre. Elle avait peur que non. A cause de la mémoire de ce qui s’était déjà passé avec lui. A cause de sa propre expérience, aussi. Savoir que parfois il se passe ça : que de la même façon que parfois les corps s’aiment alors que les âmes ne peuvent pas se supporter, les âmes peuvent se reconnaitre sans que les corps n’aiment se toucher. C’est de ça dont elle avait peur. Mais elle savait aussi que le corps humain est fait d’imaginaire. Parce qu’elle était danseuse elle le savait. Parce que son histoire était ce qu’elle était, elle le savait. C’est pour ça qu’elle ne pouvait pas non plus ne pas garder espoir. « On ne nait pas femme. » 

Le corps subjectif est une conquête du sujet mu par son désir. Et elle ne savait pas, si à ce moment-là, elle avait ce désir pour lui. Elle sentait la muraille tout autour d’elle. Et pourtant elle essayait de se donner. Mais pas comme entrave. Comme nécessité. Ne plus jamais se donner tout entière. A corps perdu. A un inconnu. Plus jamais. Un luxe qu’elle ne pouvait plus se permettre. Réserves épuisées. Je suis la seule chose que j’aie. Ni je ne peux ni je ne veux te la donner. Voilà. Plus possible. Ni à lui ni à personne. Et ce n’était pas que la générosité soit altérée. Juste que la guerre, l’embargo, la réclusion, étaient passés par là. Juste qu’elle avait été trop seule à cohabiter avec la mort, et qu’elle savait qu’elle n’avait pas encore complètement récupéré. Juste qu’elle ne se sentait plus dans l’urgence d’un espoir vain. Si tu me donnes, d’accord. Sinon, je ne suis pas là. 

Ils ont dormi ensemble. Elle n’a pas dormi du tout. Elle ressentait trop d’irréel. Elle ne parvenait pas à faire la connexion entre la réalité - lui, là, voulant d’elle - et son éprouvé à elle, son désir à elle. Elle était déconnectée. Complètement. Insomniaque. Ca a duré quatre nuits. Sans qu’elle se rende compte de la quantité de temps qui passait. Juste de combien elle était bien, de combien la joie la gagnait. Au milieu du rire, de la complicité, et de beaucoup de déconnexion interne. Et puis il est reparti dans sa ville. Et puis elle est allée à Madrid. 


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