mardi 17 juillet 2012

Encuentro por el tiempo (VII)



Ella lo dejó, así, en su casa. Feliz. Tenía sus cosas rutinarias que hacer. Afuera. Tenía que descansar él. Del viaje. De la noche loca de las elecciones. Quería regalarle ella el sentirse en su casa en casa de ella. Inclusive sin ella. Tenía que ir al ensayo de tango con su pareja-mujer - que hacía de hombre. Vino él a verlas después de dormir la siesta. No sabía nada de tango él. Más allá de lo que se sabe cuando no se sabe, no sabía nada. Así que, entre dos bailarinas, menos. Dos bailarinas inflexibles con la esencia de la danza, la esencia del movimiento. El entender íntimo del movimiento de a dos.  

Después del ensayo se mezclaron todos. Como le gustaba a él, como le gustaba a ella. Los amigos de él, con la pareja-mujer de ella. En el lugar donde las cosas editoriales encuentran camino. Con vino también, claro. Después de un rato, volvió a dejarlo ella para ir a milonguear con su pareja-mujer. Siguió la charla con su gente él. Y luego vino a juntarse otra vez con ellas. Cuando terminó la milonga regresaron a casa los dos. 

Al día siguiente cocinaron berenjena con miel. El sobre todo. Bailando, para darle más sabor a la comida. Después de esta comida alargada, entre una cosa y otra, salieron a pasear. Caminaron. Hasta Belleville caminaron. Y ahí, en lo alto del parque, le dio ella a él su primera lección de tango. Bajo la mirada divertida de unos turistas argentinos. No estaba muy segura ella de que le gustara de verdad aprender tango. Igual si él decía que sí. A ella le parecía que el cuerpo de él decía que no. El, sí, su curiosidad, quería aprender. Mas ella sabía de sobra qué era el tango. De qué aprender se trataba. Y fue ahí cuando tuvo la primera duda. Dejaron lo del tango para más tarde. Quería confiar ella en que era músico él. En que algo tenía que saber del instrumento-cuerpo, del peso, de la presencia. Caminaron.  

Caminaron y se cruzaron media ciudad. Llegaron a Ménilmontant. Ella lo llevó a un lugar de cuscús que le gustaba mucho. Porque se parecía a un circo, decía. Y fue ahí, en un rincón con luz de secreto, donde le contó él a ella la verdad. La verdad suya. La de los relojes. La de su madre. Donde le preguntó él a ella eso que había que preguntarle. Eso que quería ella que le preguntara. La forma de vivir en el retorno ese. En ese momento de ella. Entendía. Entendía muy bien. Casi le significó él cuánto tenía la llave. De eso. Ella no se lo podía creer. Internamente se puso muy alegre. Muy confiada. Tanta simplicidad y tanto peso. Sin demostrar. Ya te vi. Ya te había visto. Ya sé todo esto que me contás, por más que pensés que no tengo ni puta idea. El derrumbamiento del cuerpo. Sí. Ya sé perfectamente. No te preocupés. No sos extraterrestre para mí. Volvamos a casa. Descansemos. Abracémonos.

No durmieron mucho a la noche. Por lo del tren de él. Por la inquietud de ella. A la madrugada se fue corriendo él. Se confundió de dirección. Casi se perdió el tren. El primero. Durmió un par de horas en el tren y al despertar siguió escribiendo lo suyo, lo de los relojes. Mientras, ella se fue a tomar otro tren. Rumbo al este. Para eso de la visita mensual post-muerte. 

A la noche siguiente hablaron con más peso. Por más que fuera por el hilo telefónico. Ella le expuso toda la niebla. La niebla de ella. Todo eso que era del pasado, del pasado de ellos dos, y que se le cruzaba en el presente, en el presente de ellos dos. Eso de la historia abortada, del rechazo, del dolor invisible. Escuchaba él. Parecía que sinceramente descubría en ese mismo momento, diez años después de la batalla, esa historia de él que ella le contaba. Luego le expuso el compromiso ella. El compromiso del presente. Del encuentro. De la relación amorosa. Si de eso se tratara. Sí. Sí, de eso se trataba. Y era que ella tenía tanto miedo - como siempre - a que fuera acabando ya todo. A que hubiera acabado ya todo. Pero no. El dijo que no. El era músico y tenía muy buen oído. Le dijo cómo se sentía comprometido en reparar el desencuentro de antes. Cuánto quería eso. Por eso se abrazaron las almas. Por más que no fuera más que por el hilo telefónico. Sintió paz ella. Ahí sí, volvió a sentir paz ella. Y supo que ya existía la posibilidad del encuentro hondo de los cuerpos.

Ahora le tocaba a ella visitarle a su casa. A los pocos días tomó el tren. De noche.








Rencontre à travers le temps (VII)


Elle l’a laissé, comme ça, chez elle. Elle était heureuse. Il fallait qu’elle aille faire ses choses de d’habitude. Dehors. Il avait besoin de se reposer. Du voyage. De la folle nuit d’élections. Elle avait envie de lui permettre de se sentir chez lui chez elle. Même sans elle. Il fallait qu’elle aille à sa répétition de tango, avec sa partenaire-femme - qui faisait l’homme. Après la sieste il est venu les voir. Il ne connaissait pas le tango. A part ce qu’on en sait quand on n’en sait rien, il n’en savait rien. Alors avec deux danseuses, encore moins. Deux danseuses inflexibles quant à l’essence de la danse, l’essence du mouvement. La compréhension intime du mouvement à deux.

Après la répétition tout le monde s’est rejoint. Comme il aimait, comme elle aimait. Ses amis à lui, et sa partenaire à elle. Tout le monde s’est rejoint là où les choses éditoriales trouvent leur chemin. Avec du vin aussi, bien sûr. Après un moment, elle l’a laissé à nouveau pour aller à la milonga avec sa partenaire-femme. Il est resté causer avec ses amis. Et ensuite il est encore venu les rejoindre. Quand la milonga s’est finie ils sont rentrés à la maison tous les deux.

Le lendemain ils ont fait des aubergines au miel. Lui surtout. En dansant, pour que ce soit meilleur. Après le repas allongé, entre une chose et l’autre, ils sont allés se promener. Ils ont marché. Ils ont marché jusqu’à Belleville. Et là, dans les hauteurs du parc, elle lui a donné sa première leçon de tango. Sous le regard amusé de quelques touristes argentins. Elle a pensé qu’elle n’était pas bien sûre qu’il ait vraiment eu envie d’apprendre à danser le tango. Même si il disait que si. Il lui semblait, à elle, que son corps à lui disait « non ». Lui, oui, sa curiosité, il voulait apprendre. Mais elle savait bien trop de quoi il s’agissait dans le tango. De quel apprentissage il était question. Et c’est à ce moment-là qu’elle a eu le premier doute. Ils ont laissé le tango pour plus tard. Elle voulait faire confiance au fait qu’il était musicien. Au fait qu’il devait en savoir quelque chose de l’instrument-corps, du poids, de la présence. Ils ont marché.

Ils ont marché et ils ont traversé la moitié de la ville. Ils sont arrivés à Ménilmontant. Elle l’a emmené dans un endroit de couscous qu’elle aimait bien. Parce qu’il ressemblait à un cirque, elle disait. Et c’est là, dans un coin à la lumière du secret, qu’il lui a dit la vérité à elle. Sa vérité à lui. Celle des horloges. Celle de sa mère. C’est là qu’il lui a demandé ce qu’il fallait lui demander. Ce qu’elle voulait qu’il lui demande. La façon de vivre le moment de ce retour. Ce moment d’elle. Il a compris. Il a très bien compris. Il lui a presque dit comment lui il avait la clé. De ça. Elle n’en revenait pas. A l’intérieur elle a senti du bonheur. De la confiance. Autant de simplicité et autant de poids. Sans l’afficher. Je t’ai vue. Je t’avais déjà vue. Je sais très bien ce que tu me racontes, alors que tu t’imagines que je n’en ai pas la moindre idée. L’effondrement du corps. Oui. Je sais très bien. Ne t’en fais pas. Tu n’es pas une extraterrestre pour moi. Rentrons à la maison. Reposons-nous. Prenons-nous dans les bras.

Ils n’ont pas beaucoup dormi cette nuit-là. A cause de son train à lui. A cause de son inquiétude à elle. A l’aube il est parti en courant. Il s’est trompé de direction. Il a failli louper son train. Le premier. Il a dormi quelques heures et puis il a continué à écrire ses choses à lui, ses horloges. Pendant ce temps, elle est allée prendre un autre train. Vers l’est. Pour cette chose de la visite mensuelle post-mort.

Le soir suivant ils ont parlé avec davantage de poids. Même si ce n’était que par le fil du téléphone. Elle lui a exposé tout le brouillard. Tout son brouillard à elle. Tout ce qui était du passé, de leur passé à eux, et qui venait s’emmêler dans son présent, son présent à eux. L’histoire avortée, le rejet, la douleur invisible. Il écoutait. On aurait dit qu’il découvrait sincèrement à ce moment-là, dix ans après la bataille, cette histoire de lui qu’elle lui racontait. Après ça elle lui a dit quel était l’enjeu. L’enjeu du présent. De la rencontre. De la relation amoureuse. S’il s’agissait bien de ça. Oui. Oui, il s’agissait bien de ça. C’est qu’elle avait tellement peur - comme d’habitude - que ce soit perdu d’avance. Que ce soit déjà foutu. Mais non. Il a dit que non. Il était musicien et il avait une bonne oreille. Il a dit combien il se sentait engagé à réparer le cafouillage du passé. Combien il voulait ça. Et c’est pour ça que leurs âmes se sont embrassées. Même si ce n’était que par le fil du téléphone. Elle a senti que quelque chose s’apaisait. Comme ça oui, quelque chose s’apaisait à nouveau. Et elle a su que dorénavant existait la possibilité de la rencontre profonde des corps.

C’était son tour à elle de lui rendre visite. Quelques jours plus tard elle a pris le train. La nuit.