dimanche 23 août 2009

La nuit sans fil (II)


― Pourquoi tu dors pas ?
― …
― Tu peux pas faire comme tout le monde ?, à la fin ! Tout le monde dort. C’est pourtant pas compliqué, bordel !
(« Mais tu sais, pour moi, y’a des choses simples, qui n’le sont pas »)
― J’peux pas !
― Comment ça, tu peux pas ?! C’est quoi que tu peux pas ?! Ca existe pas d’pas pouvoir dormir !
― J’peux pas !

Je ne peux pas. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Dormir.
Dans la maison, la peur. Au milieu de tous ces gens qui dorment.
Elle est celle qui reste. Celle qui reste à ouvrir les portes. Pour que. Quelqu’un.
Elle essaye d’ouvrir les portes. Elle a peur. Peur.
Et quand trois, quatre fois, elle parcourt la maison pieds nus dans le noir, à la recherche de quelqu’un, quelqu’un, quelqu’un qu’on ne peut pas trouver, personne, il n’y a jamais personne, quelqu’un qui n’existe pas ; quand elle comprend qu’il n’y a que sa robe noire à pouvoir se poser sur elle, à jamais, et comme toujours, là, dans ce va et vient des ténèbres où le sens se perd, où les sens se perdent, là, elle a peur, encore. J’ai peur. Elle a peur. Parce qu’elle comprend qu’elle n’est pas aveugle. Que c’est juste qu’il n’y a rien à voir. Parce que c’est la nuit. Et qu’il n’y a personne. La nuit il n’y a jamais personne.
Tandis que le jour, il y a, l’ombre. Et ça fait qu’on est un peu moins seul.

Aujourd’hui Duras l’a redit : « Ecrire c’est prendre sa revanche sur le mépris ». Mépris, écris, crie. Ne crie pas. Ne dis pas. Ne bouge pas. Ne pleure pas. Disparaît. Va-t-en. Laisse-moi. Laisse-nous. Laisse – Le monde – En paix. Emporte tes insomnies un peu plus loin. Là où on ne t’entendra pas. Là où tu ne nous feras pas peur en ouvrant les portes de notre sommeil.
Aurélia. Tu te souviens. C’est pour ça qu’elle aussi ? Aurélia Steiner. Nerval.
On ne sera pas Nerval. Plus personne ne sera Nerval. Jamais. Et c’est tant mieux. Accepte. Tu le sais toi-même. Depuis ton baptême innocent. Tu es l’exclue. L’exclue du sommeil. La drogue. Toute ta vie il te faudra la drogue. Pour atteindre – pas – ces portes qui font frémir d’angoisse. Toute ta vie tu seras, comme lui, comme elle, cette folle de la nuit sans sommeil, de la nuit qui n’en finit pas, jamais, de la nuit qui trouble le jour, jusqu’à, l’aube.

Préparer les corps étrangers au sommeil, et penser pouvoir y être emportée. Penser que ces corps pourraient contaminer le tien –de leur sommeil. Mais les corps sont ailleurs, autonomes. Les corps dorment. Et tu restes. Tu restes à errer dans la nuit de ceux à qui tu as – aussi – donné ton sommeil. Et c’est pour ça que les jours sont troubles. Parce que le rêve que la nuit n’a pas donné glisse, fourvoie, dans les yeux grands ouverts face à l’excès de lumière. Et les jours se perdent, comme ça, aussi, comme les nuits, dans une absence de sommeil contaminée par le rêve qui a glissé. Le rêve qui ne saurait être.

Alors va. Marche dans la lumière.
Et si tu titubes, si tu titubes du rêve, arrête. Stop.
Arrête l’imaginaire du rêve, sors de l’illusion à contretemps et contrecoup. Danse.
Danse ce que tu titubes. Ce que tu ne peux rêver la nuit. Danse.
Sois ce funambule, cette seule façon de donner corps à ton erreur. Le vide.
Sur le fil – L’absence infinie – D’amour



La noche sin hilo (II)

― ¿Por qué no te dormís?
― …
― ¿No podés hacer igual que la gente?, así de sencillo. Toda la gente duerme. No es tan complicado, ¡carajo!
(«Mas sabés, para mí, hay cosas sencillas, que no lo son»)
― ¡No puedo!
― ¿Cómo que no podés? ¿Que es eso que no podés? ¡No existe eso de no poder dormir!
― ¡No puedo!

No puedo. No puedo. No puedo. Dormir.
En la casa, el miedo. En medio de toda esta gente dormida, el miedo.
Ella es la que se queda. La que se queda a abrir puertas. Para que. Alguien.
Intenta abrir las puertas. Con miedo. Miedo.
Y cuando tres, cuatro veces, recorre la casa descalza en la oscuridad, buscando a alguien, alguien, alguien que no se puede encontrar, nadie, no hay nunca nadie, alguien que no existe; cuando se entera de que no hay más que su vestido negro para posarse sobre ella, para siempre, igual que siempre, ahí, en este vaivén de las tinieblas donde el sentido se pierde, donde los sentidos se pierden, ahí, tiene miedo, otra vez. Tengo miedo. Tiene miedo. Porque entiende que no está ciega. Que sólo es que no hay nada que ver. Porque es de noche. Y que no hay nadie. De noche nunca está nadie.
Mientras que de día, hay, la sombra. Y eso hace que se está un poco menos solo.

Hoy Duras lo volvió a repetir: «Escribir es tomar su revancha sobre el desprecio». Desprecio, sin precio, escribí, gritá. No grités. No digás. No te movás. No llorés. Desaparecé. Dejame. Dejanos. Dejá – El mundo – En paz. Llevate tus insomnios un poco más lejos. Donde no se te oirá. Donde no nos infundirás miedo abriendo las puertas de nuestro sueño.
Aurélia. Acordate. ¿Por eso ella también? Aurélia Steiner. Nerval.
No seremos Nerval. Nadie más será Nerval. Nunca. Y mejor. Aceptá. Ya lo sabés vos misma. Desde tu bautizo inocente. Sos la excluida. La excluida del sueño. La droga. Toda tu vida necesitarás de la droga. Para alcanzar – no – esas puertas que hacen estremecerse de angustia. Toda tu vida serás, igual que él, igual que ella, esa loca de la noche sin sueño, de la noche que no termina, nunca, de la noche que enturbia el día, hasta, el alba.

Preparar los cuerpos ajenos al sueño, y pensar poder ser llevada ahí. Pensar que estos cuerpos podrían contaminar el tuyo, con su sueño. Mas los cuerpos están en otra parte, autónomos. Los cuerpos duermen. Y te quedás. Te quedás a errar en la noche de esos a quienes diste – también – tu sueño. Y por eso están turbios los días. Porque el sueño que no dio la noche resbala, engaña, en los ojos demasiado abiertos frente al exceso de luz. Y se pierden los días, así, también, igual que las noches, en una ausencia de sueño contaminada por el sueño que ha resbalado. El sueño que no supiera ser.

Entonces andá. Caminá en la luz.
Y si titubeás, si titubeás del sueño, pará. Stop.
Pará lo imaginario del sueño, salí de la ilusión a contratiempo y contragolpe. Bailá.
Bailá lo que titubeás. Lo que no podés soñar de noche. Bailá.
Sé ese funámbulo, esa única manera de darle cuerpo a tu error. El vacío.
Sobre el hilo – La ausencia infinita – De amor

samedi 8 août 2009

La nuit sans fil (I)


C’est encore une mort. La contrebasse n’était qu’un autre cercueil. Celui de l’été qui aurait pu, enfin, commencer. Celui du post partum annoncé. Un beau bateau que cette contrebasse. Mais pas de ceux qui volent. Un bateau comme on mène. Une attention évidemment venue de l’imaginaire évanoui. Une fois de plus. Le réel bien absent. Tout à son habitude. Le mage imaginaire disant la beauté de l’absence. Absence. La contrebasse là, que pour montrer l’absence. Et le bateau, qui mène. Nulle part. Comme toujours. Sauf à courir la nuit dans le noir. De pièce en pièce dans la maison hantée. A réveiller monstres et sorcières. A trahir le sommeil des bienheureux qui le connaissent. Courir dans le noir de pièce en pièce à la recherche… Absence. A la recherche de l’absence il n’y a jamais personne. Chut. Personne pour allumer la lumière qui épargnerait la chute. Le fracas dans l’escalier des portent qui claquent pour dire. Non. Intruse. Tu es l’intruse. A peine tolérée. Ici, dans cette nuit où tous on préféré les bras du sommeil, pour que tu puisses mieux, te souvenir, reconnaître, ton indépassable solitude, tu n’es, qu’à peine, tolérée. Souviens-toi. Toujours. Et cette nuit encore. Tu nous déranges. Pourquoi ? Pourquoi tu ne dors pas ? Seule. Je ne peux pas. Jamais. J’ai peur. Dans le noir encore plus. Et parce que je me suis fait mal en me cassant le nez sur vos portes endormies. Et parce que je suis tombée dans l’escalier. Sans bruit. Une fois de plus. Cette fois. Comme quand j’étais petite. Comme quand j’étais petite et que les cauchemars me réveillaient. Et que j’avais peur dans le noir. Et qu’il y avait l’escalier. Et en bas, l’enfer de la route nationale. La mort. Le monument aux morts, de l’autre côté. Et que je tombais. Et que, surtout, pas de larmes, silence, on dort. Et que, surtout, pas de bruit, on ne veut pas savoir, pas de manifestation d’existence ni de douleur ni d’absence ni de perte. La solitude ou le hurlement de la mère. La solitude. Oui. Toujours. Depuis toujours. Et pour toujours. Cette nuit, aussi. Et à quatre ans, déjà. Même si on a peur, parce qu’il fait noir, et qu’on est encore tombée dans l’escalier. Et qu’en bas, oui, non, la contrebasse est partie en fumée, le rêve évanoui, quand, oui, c’est bien l’heure pour les enfants, le cercueil apparaît.

(Salomé, Buenos Aires, avril 2007)

La noche sin hilo (I)

Y es otra muerte. El contrabajo no era más que otro ataúd. El del verano que hubiera podido, por fin, empezar. El del post parto anunciado. Hermoso barco que este contrabajo. Pero no de los que vuelan. Un barco de los que te llevan por las narices. Una atención evidentemente venida del imaginario desvanecido. Una vez más. Lo real bien ausente. Muy a su costumbre. El mago imaginario diciendo la hermosura de lo ausente. Ausencia. El contrabajo no está más que para mostrar la ausencia. Y el barco, que lleva. A ninguna parte. Como siempre. Salvo a correr de noche en la oscuridad. De pieza en pieza en la casa de los fantasmas. A despertar monstruos y brujas. A traicionar el sueño de los bien felices que lo conocen. Correr de pieza en pieza en búsqueda de… Ausencia. En la búsqueda de la ausencia nunca está nadie. Chito. Nadie para prender la luz que ahorrara la caída. El estruendo en la escalera de las puertas que golpean para decir. No. Intrusa. Sos la intrusa. A penas tolerada. Acá, en esta noche en que todos han preferido los brazos del sueño, para que podás mejor, acordarte, reconocer, tu soledad insuperable, no estás más que tolerada. Acordate. Siempre. Y esta noche de nuevo. Estás molestando. ¿Por qué? ¿Por qué no estás durmiendo? Sola. No puedo. Nunca. Tengo miedo. En la oscuridad aún más. Y porque me hice daño al romperme las narices en sus puertas dormidas. Y porque me caí en la escalera. Sin ruido. Una vez más. Esta vez. Como cuando niña. Como cuando era niña y las pesadillas me despertaban. Y tenía miedo, en la oscuridad. Y estaba la escalera. Y abajo, el infierno de la carretera nacional. La muerte. El monumento para los muertos, del otro lado. Y me caía. Y, sobre todo, ni una lágrima, silencio, se está durmiendo. Y, sobre todo, ningún ruido, no queremos saber, ninguna manifestación de existencia ni de dolor ni de ausencia ni de pérdida. La soledad o el aullido de la madre. La soledad. Sí. Siempre. Desde siempre. Y para siempre. Esta noche, también. Y a los cuatro años, ya. Igual si una tiene miedo porque es la oscuridad, y que se ha caído otra vez en la escalera. Y que abajo, sí, no, el contrabajo se escapó en humo, el sueño desvanecido, cuando, sí, bien es hora para los niños, aparece el ataúd.