mardi 23 octobre 2012

Encuentro por el tiempo (XIII)



En la calle era de noche. La gente parecía como en su casa. Nada que ver con la ciudad de ella, donde sólo se sentía hostilidad o ausencia. Buscó el bar que le había dicho él. Lo encontró. El Boquerón. Con dicho nombre castellano no se podía olvidar. No estaba afuera él. Entró ella. Lo vio al fondo, en la barra, charlando con una mujer. Le daba cosita avanzarse. Se sentía frágil. Mas sí, la recibió muy bien. Inclusive la presentó con felicidad. Algo de satisfacción, también. Nunca hubiera pensado algo así, ella. Y luego de presentarla a aquella mujer española con nombre de canción, la presentó a toda la pandilla, que estaba sentada en una mesa de afuera. Temía dicha presentación, ella. Sabía que estaban para opinar algo de ella. Porque eran su gente. La gente de él.

Al principio, regresaron adentro. El, medio atontado por tenerla acá, parecía. Charlaron los tres con la mujer española con nombre de canción. Él parecía muy tontito – a no ser que fuera eso, mostrarse enamorado. Ella, por falta de costumbre – a tanto honor, tanto amor, tanto respeto –, como reacción a lo que no se conoce, se puso más ácida. No conocía eso. No se lo iba a creer. No. Cuando aun no le había contado ella a él, su historia de ellos, su dolor, de hacía diez años. Protección. Y aun más después de la recién experiencia con la locura desde afuera, la del Otro, que también puede ser asesiso. Lo del cinismo tampoco era pura defensa. También tenía que ver con que para él, charlando los tres, las cosas parecían demasiado sencillas. Inconscientemente o infántilmente sencillas. Y ella quería estar con alguién que supiera ya que las cosas no tinene nada que ver con el color de rosa. Alguién que, precisamente porque supiera eso, quisiera estar con ella. Para compartir ese conocimiento.

Salieron a sentarse con la pandilla. Ella hubiera querido ir a acostarse. O a juntarse sólo con él. A compartir lo profundo. Eso que hacía, o no, la posibilidad del encontrarse. Tampoco sentía que podía darle más alcohol al cuerpo. Así que, para cruzarse con pájaros de noche: complicado. No se sabe qué es lo que bebió ella al final. Peros sin alcohol, eso sí. Mientras que él ya estaba de cañas cuando empezó a probar y repetir carajillos – café con ron. Uno. Dos. Ella con algo de temor, por la conciencia del desacorde energético. Por fin regresaron a casa. Se sentaron en el sofá negro. Sólo tenía ganas ella de hacerle aquella pregunta: ¿Tenés ganas de que nos amemos?

Se fueron a la pieza. Sintiéndose ella a la vez frágil y con ganas de que la reconfortara. Tenía ganas de volver a intentar el unirse. Desde los cuerpos no más. Cuando él le dijo que no pensaba hacerle el amor. Que estar «así» ya era como hacer el amor. En otro momento de su vida, en otro contexto, la hubiera encantado y reconfortado escuchar algo así, sí. Mas ahora no. Ahora estaba en el descubrimiento de la existencia PURA y NECESARIA del cuerpo. En el descubrimiento de que a veces no sirven las palabras. De que a veces lo único que sirve es la piel. El encuentro físico. Puro.

Se quedaron «así». Y, sin saber muy bien por qué, por más que hubiera querido superarlo, le dolió. Y se durmió con este dolor. A la mañana, otra vez, sintió ella que lo estaba buscando. A él. Mas él no estaba mucho. Cuando se levantó él, notó ella, por lo menos, que estaba mucho más tranquilo. Se agarró de eso. Hasta la noche no salieron de casa. Lo que deseaba y necesitaba ella. Se agarró de eso. Se quedaron mirando una pelí, en la cama: Buffet froid de Bertrand Blier. ¡Se rieron mucho! Se agarró de eso. Eso quería: compartir el humor entre ellos dos. Sin otra cosa más. A la noche, sin embargo, había que salir. Pero muy cerca. Al bar de enfrente, donde el amigo músico de él daba un concierto. Salieron. El tiempo era muy feo. Muy gris para mayo. Apenas salidos, les dijeron que se había cancelado el concierto. Cosas del dueño. Un tipo asqueroso. Se quedaron en la puerta a fumar un cigarro, y luego entraron a tomar la copa gratis que les debía el dueño por más que cancelara el concierto. Había poca onda entre la gente del bar, entre la gente de él. Y ella no tenía ganas de ser quien le hubiera puesto onda a la cosa. Volvieron a casa pronto. En la otra vereda. No estaban borrachos. Ninguno de los dos. Preparó una tortilla él. Una tortilla algo rara, pensó ella. Con atún y otra cosa. Mitad mitad. Se sintió a gusto ella. Siempre que lo miraba preparar la comida, se sentía a gusto. Apaciguada. Tampoco había conocido quien le preparara comida. Algo muy íntimo. También. Del cuerpo. También.

Después de cenar quisieron ver una pelí. Otra. Mas los dos fueron capaces de reconocer que estaban cansados. Hicieron algo imprevisible: ¡mirar televisión! ¡En la compu! Cayeron en una entrevista de Catherine Deneuve. Ella odiaba a Catherine Deneuve. Por la artificialidad. Se durmió ella. Feliz. Al lado de él. Mirando aquello.




 

Rencontre à travers le temps (XIII)

 
Dans la rue il faisait nuit. Les gens avaient l’air d’y être comme chez eux. Rien à voir avec sa ville à elle, où on ne sentait qu’hostilité ou absence. Elle a cherché le bar qu’il lui avait dit. Elle l’a trouvé. Le Boquerón. Avec un nom pareil, en espagnol, elle ne pouvait pas l’oublier. Il n’était pas dehors. Elle est entrée. Elle l’a vu au fond, au comptoir, en train de parler avec une femme. C’était un peu difficile de s’avancer. Elle se sentait fragile. Pourtant il l’a bien reçue, oui. Il l’a présentée avec joie. Un peu de satisfaction, aussi. Elle n’aurait jamais pensé ça. Après l’avoir présentée à cette femme espagnole au prénom de chanson, il l’a présentée au reste de la troupe, qui était à une table en terrasse. Elle avait un peu peur de cette présentation. Elle savait qu’on allait penser quelque chose d’elle. Parce que c’était ses gens. Ses gens à lui.

Au début, ils sont retournés à l’intérieur. Lui, il était à moitié hébété qu’elle soit là, aurait-on dit. Ils ont discuté tous les trois avec la femme espagnole au prénom de chanson. Il avait l’air tout ahuri – à moins que ce ne soit ça, avoir l’air amoureux. Elle, parce qu’elle n’avait pas l’habitude – de tant d’honneur, tant d’amour, tant de considération –, en réaction à ce qu’on ne connait pas, elle est devenue un peu acide. Ca, elle ne connaissait pas. Alors y croire. Sûrement pas. Alors qu’elle ne lui avait pas encore raconté son histoire d’eux, sa douleur, d’il y avait dix ans. Protection. Encore plus du fait de la récente expérience avec la folie depuis dehors, depuis l’Autre, quand il est assassin. Mais son soudain cynisme n’était pas seulement une posture défensive. Ca avait aussi à voir avec le fait que pour lui, en discutant tous les trois, les choses avaient l’air tellement simples. Inconsciemment ou puérilement simples. Et qu’elle, elle voulait être avec quelqu’un qui saurait que les choses n’avaient rien à voir avec la couleur rose. Quelqu’un qui, précisément parce qu’il saurait ça, voudrait être avec elle. Pour en partager la connaissance.

Ils sont sortis s’assoir avec le reste de la troupe. Elle aurait aimé aller se coucher. Ou rester juste avec lui. Pour partager le profond. Ce qui fait, ou pas, la possibilité de la rencontre. En plus elle sentait qu’elle ne pouvait pas remettre d’alcool dans son corps. Alors, pour croiser les oiseaux de nuit : ça allait être difficile. On ne sait pas ce qu’elle a finalement bu. Mais pas d’alcool, c’est sûr. Alors que lui, il était déjà à la bière quand il a commencé à faire et refaire l’expérience du carajillo : café et rhum. Un. Deux. Elle était préoccupée, dans la conscience du désaccord énergétique. Ils sont enfin rentrés à la maison. Ils se sont assis dans le canapé noir. Elle n’avait qu’une envie : lui poser cette question : Est-ce que tu as envie qu’on s’aime ?

Ils sont allés dans la chambre. Elle se sentait à la fois fragile et dans le besoin d’être réconfortée. Elle avait envie d’essayer à nouveau de s’unir. Par les corps, c’est tout. Quand il lui a dit qu’il ne pensait pas lui faire l’amour. Que « comme ça » c’était déjà faire l’amour. A un autre moment de sa vie, dans un autre contexte, elle aurait beaucoup aimé entendre quelque chose comme ça. Ca l’aurait réconforté, oui. Pas à ce moment-là. Alors qu’elle était dans la découverte de l’existence PURE et NECESSAIRE du corps. En train de découvrir que parfois les mots ne servent à rien. Que parfois la seule chose qui serve, c’est la peau. La rencontre physique. Pure.

Ils sont restés « comme ça ». Et, sans bien savoir pourquoi, tout en voulant parvenir à le dépasser, ça lui a fait mal. Et elle s’est endormie dans cette douleur. Le lendemain matin, à nouveau, elle a senti qu’elle le cherchait. Lui. Mais il n’était pas vraiment là. Quand il s’est levé, elle a constaté, au moins, qu’il était beaucoup plus tranquille. Elle s’est agrippée à ça. Jusqu’au soir, ils ne sont pas sortis de la maison. Comme elle en avait envie et besoin. Elle s’est agrippée à ça. Ils ont regardé un film, dans le lit : Buffet froid de Bertrand Blier. Ils ont beaucoup ri ! Elle s’est agrippée à ça. C’est ce qu’elle voulait : partager l’humour entre tous les deux. Sans rien ni personne d’autre. Le soir, néanmoins, il fallait bien sortir. Heureusement, c’était pas très loin. Juste dans le bar d’en face, où un ami musicien à lui faisait un concert. Ils sont sortis. Il ne faisait pas beau. Très gris pour un mois de mai. Dès qu’ils sont sortis, on leur a dit que le concert était annulé. Habitude du gérant du bar. Un type odieux. Ils sont restés devant la porte pour fumer une cigarette, et ensuite ils sont entrés pour boire le verre gratuit que leur devait le gérant du bar malgré l’annulation du concert. Il n’y avait pas beaucoup d’énergie chez les gens du bar, chez ses gens à lui. Et elle ne serait pas celle qui allait changer la donne. Ils sont rentrés tôt à la maison. Sur le trottoir d’en face. Ils n’étaient pas saouls. Ni l’un ni l’autre. Il a préparé une tortilla. Une tortilla un peu bizarre, s’est-elle dit. Avec du thon et un autre ingrédient. Moitié-moitié. Elle se sentait bien. Chaque fois qu’elle le regardait faire la cuisine, elle se sentait bien. Apaisée. Elle n’avait pas non plus connu qu’on lui fasse à manger. Quelque chose de très intime. Aussi. Du corps. Aussi.

Après la diner ils voulaient regarder un film. Un autre. Mais ils ont tous les deux été capables de se rendre compte qu’ils étaient fatigués. Ils ont fait quelque chose d’imprévisible : ils ont regardé la télévision ! Sur l’ordinateur ! Ils sont tombés sur une interview de Catherine Deneuve. Elle n’aimait pas Catherine Deneuve. A cause de l’artificialité. Elle s’est endormie. Heureuse. A côté de lui. Qui regardait ça.

 







mercredi 10 octobre 2012

Encuentro por el tiempo (XII)

 
 
¡Tocaba la guitarra, cantaba, tocaba el harmónica, usaba la máquina grabadora para hacer cosas repetitivas! ¡Todo! ¡El! No paraba. Ella, con la cámara, sacando fotos. Las uñas en las cuerdas. Los pies en la máquina grabadora. El sin parar. Para ella y el amigo suyo, no más. Sacó el cuaderno, ella. También. Más allá de las fotos, con palabras quería intercambiar. Guardar. Rescatar del olvido. Igual que descargar algo la emoción. Escribía cosas como:
 
Será cuestión de encontrar la forma adecuada de la respiración: que no sea ni apnea ni hiperventilación.
El descanso es inspiración o expiración. Mas no las dos a la vez ni la una sin la otra.
Encontrar la articulación y la respiración de los mundos – interiores.
Compartir lo esencial en lugar de vivirlo cada uno desde la sola soledad.
 
El concierto duró. El amigo se tenía que ir. Se fue. Ella estaba exhausta entre el exceso de felicidad, de presencia compartida, de ansiedad respecto a la novedad de la aventura amorosa, de música y palabras de él. Todo. Era mucho. Todo era mucho. Cuando ella había vivido años de nada. El grand-ecart emocional. Igual que siempre, deseado, mas difícil de soportar. Quería. Mas el cuerpo tenía sus propios argumentos. Su propio ritmo. Estaba exhausta. ¡Cansa estar enamorada! Cansa vivir la muerte. ¡Y si todo cansa, cómo lo vamos a hacer!
 
Sólo necesitaba algún ratito de respiración. De soledad. Se lo dijo. Pareció que a él le pareciera raro eso que le dijo. Lo que a ella le resultó aun más raro. Intuía tanto de la necesidad de respiración de él. Se acordaba tanto de su forma de ser medio autística. La sorprendió. Le gustó. Le gustó sentir cómo él no, no estaba cansado de ella. Cuando por el pasado casi ni le explicaba nada de su evanescencia. Lo que le gustó fue notar que él sí quería seguir estando con ella. Cuando por el pasado iba y venía casi sin fijarse en la existencia de los demás. Parecía. Le gustó. Casi iba a seguirle de tanto que le había gustado que le demostrara eso, que él no estaba harto de ella. Mas supo que tenía que hacerle caso al cuerpo. Parar algo. Separarse un par de horas. No más un par de horas.
 
Así que fue a juntarse él con su gente al bar de al lado, mientras ella se quedó en casa de él, sola. Quería escribir. Escribir lo que le quería decir y sabía que no se podía. Quería poder estar con él para ella, sin él. Estar con el «él» de ella. Puso música. Sviridov. Lo había conocido por él, y le había robado el alma. Quería sumergirse en lo suyo. Relajar. Depositar el peso guardado por la excitación. Del estar juntos. Del estar enamorados. Del estar juntos sin aun conocerse muy bien. Sin saber hasta qué punto se podía confiar. Sin saber hasta qué punto algo era posible. Cuánto tiempo pudiera durar esto. Aquel encuentro. Reencuentro. Escribió:
 
Quiero que trabajemos juntos. Las dos interioridades están llenas. Desbordan. La inquietud no estará ahí. Cada uno en lo suyo. No necesito que me distraigás. No necesito que me hagás planes. No necesito que hagás nada. Quiero que seas. Que creás. Que hagás lo que tengás que hacer. Que me lo compartás. Que me acompañés en los caminos míos que quieren construir un «juntos» que no sea nunca suspensión del uno o del otro.
Quiero que me contés. Vos.
Quiero que me hagás preguntas.
No quiero perderme.
Sólo que (nos) construyamos juntos. Nosotros.
Nosotros sos vos, y soy yo; y es vos-y-yo. Mas no sólo vos-y-yo. Vos y Yo.
 
Dejó de escribirle para seguir escribiendo la historia. La historia que iba contando ella. De ellos. Para ellos. Para todos. Para no olvidar. Para no perder nada. Sintió que tenía hambre. Estaban lejos las pinzas de cangrejo. Mas estaba harta de comida verdadera. Tenía ganas de nada más que sus cosas rutinarias. Sencillas. Casi pobres. El día de la visita en bici por la ciudad, habían ido a un supermercado porque ella necesitaba comprar champú. Ahí había aprovechado para comprar copos de avena. Por las dudas. Por la mañana, él había salido a comprar leche de vaca – mientras que seguían durmiendo el amigo de ella en la bolsa de dormir en el piso, y ella en la cama con vela. El ya no tomaba nada con leche de vaca. Ni queso ni nada. Ni postres. Tuvo unas ganas locas ella de comer copos de avena con leche y azúcar. Se preparó un tazón grande. Repitió. Pensó cuánto le gustaría compartir con él copos de avena con leche, inclusive de soja.
 
Funcionaba. Se estaba relajando. Recobraba la sensación real del cuerpo. Sentía de nuevo el cansancio. El peso del cansancio. Tenía ganas de ir a acostarse ya. Igual si apenas eran las nueve y media de la noche, y era sábado. Se hubiera acostado. Mas intuía que si no se juntara con él, con su gente, no lo iba a entender él. No lo hubiera entendido cualquiera. Apenas empezando una relación. Ella, sí, lo podía entender. Sabía que nada de ello tuviera que ver con él. Sólo con ella. Con la revolución que era regresar a la vida. Compartir vida. Cosas de la vida. Sentirse amada. Sentirse con posibilidad de felicidad. Sabía que tenía que ver con la post-muerte. Mas no quería causarle ninguna duda a él. No quería que él pensara que ella no tuviera ganas de estar con él. O que hubiera hecho algo mal. O nada. No quería que él se sintiera mal por ella. Para nada. Por nada de ella. Ahora no. Además sabía que él estaba con su gente y se moría de ganas de presentársela. Sabía eso. Y la hacía tan feliz. Que alguien, él, se muriera de ganas de presentarla, ella. A la gente que le importaba.
 
Fue al cuarto de baño. A arreglarse. Había que arreglarse. Para superar el cansancio que se leía en el rostro. Se pintó las pestañas. Los ojos. Se puso carmín en los labios. El pelo. ¿Qué hacer con este pelo? Lo de siempre. No. Se lo dejó casi suelto. No más con un par de horquillas chicas. Ya podía salir. Zafaba. Capaz no se diera cuenta de nada él. Capaz le pareciera simpática a la gente. Salió a la calle. Ya era tarde.
 
 
 
 




Rencontre à travers le temps (XII)

 
Il jouait de la guitare, il chantait, il jouait de l’harmonica, il s’enregistrait avec son sampler ! Tout ! Lui ! Il n’arrêtait pas ! Elle avec son appareil, elle faisait des photos. Les ongles sur les cordes. Les pieds sur les pédales du sampler. Il n’arrêtait pas. Juste pour elle et son ami à elle, c'est tout. Elle a sorti son carnet. Aussi. Au-delà des photos, elle voulait échanger avec les mots. Garder. Sauver de l’oubli. En même temps que décharger l’émotion. Elle a écrit des choses comme :

Il sera question de trouver la forme adéquate de la respiration : qu’elle ne soit ni apnée ni hyperventilation.
Le repos est inspiration ou expiration. Pas les deux à la fois, ni l’une sans l’autre.
Trouver l’articulation et la respiration des mondes – intérieurs.
Partager l’essentiel au lieu de le vivre chacun dans sa seule solitude. 

Le concert a duré. Son ami devait s’en aller. Il est parti. Elle était exténuée par l’excès de joie, de présence partagée, d’inquiétude par rapport à la nouveauté de l’aventure amoureuse, de sa musique et de ses paroles à lui. Tout. C’était beaucoup. Tout était beaucoup. Alors qu’elle avait vécu toutes ces années de rien. Le grand-écart émotionnel. Comme toujours souhaité, mais difficile à soutenir. Elle voulait. Mais le corps avait ses propres arguments. Son propre rythme. Elle était exténuée. Ca fatigue d’être amoureuse ! Ca fatigue de vivre la mort. Et si tout fatigue, comment est-ce qu’on va bien pouvoir faire ! 

Elle avait juste besoin d’un petit moment de respiration. De solitude. Elle le lui a dit. On aurait dit que ça lui semblait bizarre, ce qu’elle lui disait. Ce qui lui a semblé encore plus bizarre à elle. Elle se souciait tellement de son besoin de respiration à lui. Elle se souvenait tellement de sa façon d’être à moitié autiste. Ça l’a surprise. Ça lui a plu. Ce qui lui a plu, c’est de sentir que lui, non, il n’était pas fatigué d’elle. Alors que par le passé il n’expliquait pratiquement rien de son évanescence, à lui. Ce qui lui a plu, c’est de voir que lui, si, il avait envie de continuer à être avec elle. Alors que par le passé il allait et venait sans presque faire attention à l’existence des autres. Ça lui a plu. Elle était presque sur le point de le suivre tellement ça lui avait plu qu’il lui démontre que lui n’en avait pas marre d’elle. Mais elle a su qu’il fallait prendre en compte ce que disait le corps. Arrêter un peu. Se séparer quelques heures. Juste quelques heures. 

Il est donc allé rejoindre ses gens au bar d’à côté, alors qu’elle est restée chez lui, seule. Elle voulait écrire. Ecrire ce qu’elle voulait lui dire et qu’elle savait qu’on ne peut pas. Elle avait envie de pouvoir être avec lui pour elle, sans lui. Etre avec son « lui » à elle. Elle a mis de la musique. Sviridov. Elle l’avait connu grâce à lui, et il s'étaiat complètement emparé d'elle. Elle avait envie de s’immerger dans ses choses à elle. De se détendre. De déposer le poids retenu par l’excitation. D’être ensemble. Amoureux. D’être ensemble sans encore se connaître très bien. Ni savoir jusqu’où il était possible de se faire confiance. Jusqu’à quel point quelque chose serait possible. Combien de temps ça pourrait durer. Cette rencontre. Re-rencontre. Elle écrivait : 

Je veux qu’on travaille ensemble. Les deux intériorités regorgent. Débordent. L’inquiétude ne sera pas là. Chacun chez soi. Je n’ai pas besoin que tu me distraies. Je n’ai pas besoin que tu me fasses un programme. Je n’ai pas besoin que tu fasses quoi que ce soit. Je veux que tu sois. Que tu créés. Que tu fasses ce que tu as à faire. Que tu me le partages. Que tu m’accompagnes dans mes chemins qui veulent façonner un « ensemble » qui ne soit jamais suspension de l’un ou de l’autre.
J’ai besoin que tu me racontes. Toi.
J’ai besoin que tu me questionnes.
J’ai besoin de ne pas me perdre.
Juste que nous (nous) construisions ensemble. Nous.
Nous c’est toi, et c’est moi ; et c’est toi-et-moi. Mais pas que toi-et-moi. Toi et Moi. 

Elle a arrêté de lui écrire pour continuer d’écrire l’histoire. L’histoire qu’elle était en train de raconter. La leur. Pour eux. Pour tout le monde. Pour ne pas oublier. Ne rien perdre. Elle a senti qu’elle avait faim. Les pinces de crabe étaient loin. Mais elle en avait marre de la vraie cuisine. Elle avait juste envie de ses choses habituelles. Simples. Presque pauvres. Le jour de la visite de la ville en vélo ils étaient allés dans un supermarché parce qu’il fallait qu’elle s’achète du shampoing. Elle en avait profité pour acheter des flocons d’avoine. Au cas où. Le matin il était sorti acheter du lait de vache – pendant qu’ils dormaient, son ami dans le sac de couchage par terre, et elle dans le lit à voile. Il ne mangeait plus rien à base de lait de vache. Ni fromage ni rien du tout. Ni desserts. Elle a eu une folle envie de manger des flocons d’avoine avec du lait et du sucre. Elle s’en est préparé un grand bol. Elle en a repris. Elle s’est dit qu’elle adorerait partager avec lui des flocons d’avoine avec du lait, même du lait de soja. 

Ça marchait. Elle se détendait. Elle retrouvait la sensation du réel du corps. Elle sentait à nouveau sa fatigue. Le poids de la fatigue. Elle avait envie d’aller se coucher, tout de suite. Même s’il était à peine neuf heures et demie du soir, et qu’on était samedi. Elle serait allée se coucher. Mais elle avait l’intuition que si elle ne le rejoignait pas, avec ses gens, il ne comprendrait pas. Pas plus qu’un autre n'auarit compris. Juste au début d’une histoire. Elle, si, elle comprenait. Elle savait que ça n’avait rien à voir avec lui. Juste avec elle. Elle savait que ça avait à voir avec sa révolution du retour à la vie. Le partage de la vie. Des choses de la vie. Se sentir aimée. Sentir la possibilité du bonheur. Elle savait que ça avait à voir avec l’après-mort. Mais elle ne voulait pas lui causer le moindre doute. Elle ne voulait pas qu’il puisse penser qu’elle n’avait pas envie d’être avec lui. Ou qu’il avait fait quelque chose de mal. Ou quoi que ce soit. Elle ne voulait pas qu’il se sente mal à cause d’elle. Pour rien au monde. Pour rien d'elle. Pas maintenant. En plus elle savait qu’il était avec ses gens et qu’il mourrait d’envie de la leur présenter. Elle savait ça. Et ça la rendait heureuse. Tellement. Que quelqu’un, lui, meure d’envie de la présenter. Elle, aux gens qui comptaient, pour lui.  

Elle est allée dans la salle de bain. Pour s’arranger. Il fallait s’arranger. Pour essayer de venir à bout de la fatigue qui se lisait sur le visage. Elle a maquillé ses cils. Ses yeux. Elle s’est mise du rouge sur les lèvres. Les cheveux. Que faire avec ces cheveux ? Comme d’habitude. Non. Elle les a laissés presque détachés. Juste avec deux petites barrettes. Elle pouvait sortir. Ça pouvait tromper son monde. Peut-être qu’il ne se rendrait compte de rien. Peut-être que les gens la trouveraient sympathique. Elle est sortie dans la rue. Il était déjà tard.